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Souvenir des fêtes

Papa a mis des chaînes sur les roues de la grosse Chevrolet et le coffre de la voiture est rempli de nos bagages et aussi des cadeaux pour la parenté. Nous nous sommes entassés sur le banc de derrière, et ma sœur cadette est assise à l’avant entre papa et maman avec le bébé. La route sera longue et j’ai apporté la nouvelle poupée que j’ai reçue à Noël. Mon frère, lui a pris son petit tracteur. On se tiraille un peu et papa de sa voix forte nous dis qu’il va nous débarquer sur le bord du chemin si on n’arrête pas de crier. On se ramasse, chacun dans notre coin. Je ne suis pas assez grande pour voir la route. Les chaînes claquent sur le chemin asphalté et ce bruit régulier me berce. Maman entonne une chanson de Noël pour nous calmer.

Je ferme les yeux pour revivre cette belle nuit de la nativité, pleine d’enchantement et de surprises. Nous étions tous allés à l’église entendre le Minuit Chrétien raisonner dans la haute voute éclairée de mille lumières. Il n’y avait plus beaucoup de place dans le banc et les plus jeunes étaient assis sur les genoux de mes parents. Il n’y avait rien à faire, enfin presque rien, sauf se lever, s’assoir, se mettre à genou, quelquefois la voix retentissante du prêtre me faisait sursauter. Heureusement que les chants de Noël nous aident à passer le temps. La messe terminée, maman nous a amené voir le petit Jésus dans la crèche pendant que papa est allé réchauffer l’auto.


Une odeur forte me sort de ma torpeur et me ramène à la réalité des roues chaînées. « Ah!!! Papa tu pues! » Et papa rigole!
Maman dit : « T’as pété? »
« Ben non! C’est l’carburateur qui sent çà»

Le bruit des chaînes, sur la route enneigée est sourd et plus supportable. Mon frère s’est endormi. Il tient toujours son petit tracteur et sa tête ballotte à chaque secousse. J’ai un peu froid et je me recroqueville.

Nous ne nous sommes pas trop attardés à la crèche, je savais que le Père-Noël passait chez nous durant la messe. La veille, Papa avait installé un grand sapin dans un coin du salon. Il avait coupé les branches du bas et les avait plantées dans le tronc, plus haut. Le sapin tenait avec des grosses vis dans une grosse chaudière pleine d’eau. Un papier crêpé imitant les rochers cachait tout ça et sous une grosse branche, la Sainte Famille en plâtre, occupait une crèche fabriquée dans une boîte en carton et de la paille. Il y avait aussi le bœuf et l’âne et dehors dans une fine couche d’ouate, on voyait des bergers, les moutons et les rois mages avec leurs chameaux. Dans l’arbre, parmi les boules, il y avait des lumières en forme de chandelles et des bulles d’air se promenaient dans un liquide coloré.

Au sortir de l’église de petits flocons de neige, pareil à ceux des cartes de souhait, se posaient délicatement sur mon manteau. Le trajet était court et lorsque nous sommes arrivés à la maison, les décorations de Noël étaient toutes allumées. Le salon embaumait le sapin et il y avait tellement de cadeaux devant l’arbre qu’on ne pouvait plus voir la crèche. J’en ai eu plusieurs mais le plus beau est ma poupée que je sers maintenant contre moi. Papa nous disait qu'on avait surpris le Père-Noël parce qu’il n’a pas eu le temps de terminer son verre de lait et il n’avait pris qu’une bouchée de son biscuit.


Mon frère à gauche, à droite c'est moi et ma poupée et au centre, ma petite soeur


Je le savais bien, moi, que le Père-Noël existait, je l’avais déjà vu, l’année passé, alors que nous étions restés à la maison sous la garde de ma tante. Je m’étais levée, un peu après minuit pour le surveiller. Et j’ai vu le tuyau du poêle gonfler pour former une grosse boule qui s’est mise à descendre à l’intérieur du tuyau. J’ai eu tellement peur que je suis retournée me coucher sans faire de bruit.

J’entends maman dire:« Va pas si vite » Et papa réponds: « Il faut bien si je veux la remonter. » Une drôle de sensation m’éveille. J’ai l’impression que mon corps tout entier s’est soulevé comme dans les montagnes russes. C’est la côte, la grande côte du 1er rang, ou habite mes grands parents. « La charrue est passée, fais toé-s’en pas, on va y arriver. »

Stock Photo of  vermont vt picturesque sleepy hollow farm snow winter south copyright andre jenny



Le moteur gronde, les chaines claquent» Nous sommes presqu’arrivés et mon frère aussi s’est réveillé. Je me soulève un peu pour voir et j’aperçois l’école de rang où ma tante préférée enseigne. L’auto tourne dans la cour devant la maison ancestrale. Grand-maman, et mes tantes sortent sur le grand perron pour nous accueillir. Ce sont les embrassades et les exclamations. « Ah! Ils ont tellement grandis » et « Montre moi ta dernière»

La trappe du deuxième étage a été soulevée et les bagages sont montés dans une des chambres. Les catalognes sur les lits sentent un peu la boule à mite. Ma tante a mis de nouvelles bûches dans le poêle pour réchauffer la maison qui s’est refroidie à notre arrivée. Elle déplace un gros chaudron de soupe, pour l’arrêter de bouillir. Derrière le poêle, des serviettes sèchent sur des cordes et un petit chat dort dans la boîte des gazettes, près des buches. J’essaie de l’attraper mais il se sauve et je ne le retrouve plus.

«Attention les enfants, on ne court plus et restez près de la table.» Je vois grand-maman ouvrir la trappe du plancher pour descendre dans la cave. Il y a des abeilles dans le trou noir. Est-ce qu’elles peuvent entrer dans la maison? Grand-maman remonte avec une grosse boîte de biscuits à la gelée et une caisse de soda à la fraise et au nectar. Elle donne un coup de vent avec son grand tablier et les abeilles disparaissent dans le trou. Elle ferme la trappe, bien amusée par nos minois apeurés.

La cuisine est grande. Un moulin Singer à pédalier meuble le devant d’une fenêtre. Une méridienne occupe le fond de la pièce, près du téléphone. Les portes doubles du salon restent fermées et un rouet attend, près de l’escalier. Le comptoir occupe tout le mur adjacent à la cuisine d’été et ma tante, devant l’évier, a commencé à préparer le souper.

Mes oncles, arrivent, un après l’autre et accrochent leur linge de travail dans une penderie qui sent l’étable. Ils étaient tous impatients de voir papa pour raconter les histoires de la parenté et de la paroisse. Quelquefois, le téléphone sonne, et tous écoutent et comptent les coups de sonnette.
« C’est pour ti-Père! » Et les conversations reprennent de plus belle, des mots qui reviennent souvent comme Duplessis, Gratien Gélinas, le Pape Pie XII, la coupe Stanley.

Après le repas et une fois la vaisselle terminée, grand-maman se rend à l’étable pour séparer de lait de la traite. Papa nous habille, moi et mon frère et nous la rejoignons dans l’antichambre où se trouvent l’écrémeuse et les bidons. Un petit chat vient boire dans la chaudière pleine de lait encore chaud, et ses petites moustaches se couvrent de mousse blanche. Papa nous ouvre la porte de la grange, Il ne veut pas qu’on joue près des moissonneuses et il nous hisse sur une plate forme, au bas de la montagne de foin. Et nous grimpons cette montagne jusqu’au sommet, on touche presque le toit de la grange. Quelle sensation que de nous trouver là, si haut, dans la pénombre. Une poule non loin de nous se promène sur une planche, gloussant tout doucement, nous surveillant de son œil tout rond, prête à s’envoler si on approche trop près d’elle.

De retour à la maison, grand-mère s’est installée pour filer sa laine alors que tous écoutent la radio et jasent. Maman nous fait notre toilette et nous couchent, mon frère et moi, dans un des grands lits. J’ai bien hâte à demain. Ma tante nous amènera à son école. Elle doit y aller tous les jours pour rentrer du bois et pour chauffer la truie. Elle nous assoira à un de ses pupitres et on fera semblant d’être à son école. L’école de campagne est bien différente de mon école parce qu’il y a des grands et des petits pupitres et la porte ouvre directement dehors.

Mes cousins et cousines arriveront en après-midi, nous irons ramasser les œufs au poulailler et nous visiterons les cochons à la porcherie. Si j’ai de la chance, ma tante me montrera à traire la vache. Et demain soir, lorsque toute la parenté sera arrivée, je me ferai belle. Je mettrai ma robe et mes souliers neufs. Maman me frisera et arrangera les rubans dans mes cheveux. Grand-mère ouvrira les portes du salon et allumera les lumières du sapin, ma tante y recevra son amoureux et ils me laisseront tourner la manivelle du gramophone. Après le repas du réveillon, un voisin violoneux nous fera danser le rigodon, mon oncle l’accompagnera avec son accordéon à piton. Papa chantera sa chanson du Rapide Blanc et toute l’assemblée entonnera le refrain avec lui. Après plusieurs chansons à répondre et quelques verres de ti-blanc, papa ne se laissera pas prier très longtemps pour chanter la chanson « En revenant de Rigaud » avec toute sa panoplie de grimaces et simagrées. Maman sera pâmée d’un rire contagieux qui ne cessera que sur les notes d’un nouveau rigodon.


La vielle-à-roue

Ma nièce est revenue de la France avec 2 cartes mémoires pleines de photos et de vidéos. Je lui ai offert d'agencer tout ça sur DVD avec mon programme Roxio. Ca fait maintenant 4 mois que je travaille là dessus, enfin...pas tout le temps, mais disons que j'ai bien hâte de le terminer. Ce sera son cadeau des fêtes.

Elle a séjourné chez un ami, dans la campagne de Bourgogne, et j'ai trouvé dans ses mémoires un vidéo surprenant montrant un type qui joue d'un instrument bizarre. Sa musique est un folklore entraînant et le son me semblait venir d'une autre époque.

- Qu'est ce que c'est?
- Je crois que c'est une vielle. C'est un ami de Mic et il en joue surtout à l'occasion des fêtes.


Vive l'internet.....................

J'y trouve cet instrument, je dois dire, assez impressionnant dans sa conception mécanique. Ouvrage d'un luthier, la vielle-à-roue a beaucoup évolué et aujourd'hui, elle comprend plus de 200 pièces.

Elle est apparût au moyen age, vers le IXème après l'invention de la manievelle et les premières représentations que l'on a retrouvé de cet instrument, soit l'organistrum, sont du 12 éme siècle. Il était surtout utilisé dans les églises et dans les abbayes, pour accompagner les chants thympanons et il se jouait à deux.
Au 13éme siècle apparaissent un ancêtre séculaire de la vielle-à-roue, les chiffonies ou symphonies. D'un forme à peu près carrée, la roue se trouvait sous le couvercle du boîtier. A cette époque, les troubadours s'en servent pour accompagner leurs chansons à travers l'Europe, aussi bien sur les places des villages que dans les châteaux.

Au 15ème ciècle, apparaîtra la vielle renaissance. Instrument de cour pour qui Bâton, Vivaldi et Léopold Mozart, le père de Wolfgang Amadeus, ont composé plusieurs mélodies. Et la vielle-à-roue fut détrônée par le piano-forte. La révolution française va provoquer un changement profond des usages et elle sera adoptée par les paysans et deviendra un instrument de campagne.

Dans les années 1970, le mouvement « folk » se l’approprie et les groupes dits « folkloriques » se constituent. Aujourd’hui, l’instrument continue à évoluer : on affine toujours et encore la qualité de la vielle-à-roue et les luthiers sont en quête d’un son pur et précis.

Cet instrument a un son que l’on compare souvent, à la cornemuse. Le musicien actionne une manivelle de sa main droite, ce qui fait tourner une roue qui frotte sur une corde "Bourdon" de façon ininterrompue, et ce son continu se fait entendre jusqu’à ce que la mélodie s’arrête.

De la main gauche, le musicien appuie sur les touches semblable à celle d'un piano, pour jouer la mélodie. Ce clavier est situé sur la table d'harmonie, la pièce de l'instrument qui fait résonner le son. Il est relié à des sauteraux qui viennent en contact avec les cordes lorsqu'on appuie sur les touches.

En plus des cordes, qui donnent la mélodie, s'ajoute la percussion ! Et oui, la vielle-à-roue contient aussi sont propre batteur ! La manivelle ne tourne pas également, alors en tournant celle-ci, le musicien donne un coup sec et un battement se fait entendre.


Sur ce petit clip de Youtube, vous entendrez Arnaud Lachambre jouer un air folkorique "le Branle des Chevaulx " sur une superbe vielle Renaissance du luthier Chris Allen (luthier, U.K.).




«Actuellement en plein essor, la vielle ne doit pas ou plus être enfermée. Elle a besoin de se confronter aux musiques d'aujourd'hui et de participer à de multiples expériences. Il faut en finir avec les souffrances de cet "instrument du diable, lyre des mendiants, instrument folklorique etc..." afin que la vielle à roue soit un instrument de musique tout simplement.»
Valentin Clastrier dans un extrait de l'Avant-propos du livre «La vielle / réglage et entretien» AMTA

Sources:
Xavier Aimé, joueur de vielle

ENGLISH VERSION OF THIS POST: The Hurdy gurdy ( wheel fiddle )